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Anna Politkovskaïa (1958 – 2006), le prix de la vérité

Portrait intime d’une femme à l’engagement inépuisable dans la Russie des années Poutine. Ouvertement Anna Politkovskaïa disait “tant que Poutine serait au pouvoir, on ne pourrait pas vivre dans un pays démocratique”.
Le 7 octobre 2006 : un homme, casquette sur la tête, se glisse dans l’entrée d’un immeuble moscovite. Lorsqu’Anna Politkovskaïa rentre chez elle, les courses à la main, il l’abat et repart sans être inquiété.
La justice n’a pas été faite , n’avait cessé de dénoncer Sergueï Sokolov, le rédacteur en chef adjoint de Novaïa Gazeta , après son assassinat. Oui, ceux qui l’ont tuée sont en prison mais pas leur patron, ni le patron de leur patron , avait-il déploré.
Fille d’un diplomate en poste aux États-Unis, Anna Politkoskaïa est née le 30 août 1958 à New York où elle vivra les huit premières années de sa vie dans une famille russo-ukrainienne. Détentrice de la double nationalité, américaine et russe, elle aurait pu aisément choisir une autre vie. Mais c’est en Russie qu’elle a choisi d’exercer son métier de journaliste, d’abord au journal Izvestia, puis à partir de 1999 au journal indépendant Novaïa Gazeta.
Son travail et sa détermination impressionne. Elle se construit personnellement et professionnellement en s’attirant de plus en plus les foudres du régime, pour donner la parole, en cherchant sans relâche à ouvrir un espace de visibilité et de vérité dans son pays. Une exigence de justice et de vérité qui faisait d’elle l’une des grandes consciences de ce début du XXIe siècle.

Après avoir été l’unique journaliste russe à enquêter sur la deuxième guerre en Tchétchénie, Anna Politkoskaïa sera également la seule à publier des articles sur des disparitions de civils inexpliquées, toujours en Tchétchénie et en Ingouchie.
Cette femme à la beauté du 19e siècle comme le répète souvent Dimitri Muratov le rédacteur en chef du journal Novaïa Gazeta qui l’employait depuis 1999, était marquée par une profonde tristesse depuis son premier voyage en Tchétchénie. Elle adorait rire et plaisanter mais chaque année elle riait un peu moins. Menacée en permanence, Anna Politkovskaïa avait souvent frôlé la mort. Mais pourtant c’est bien la vie qui intéressait cette journaliste et mère de deux enfants qui promettait d’arrêter son métier si ça devenait trop dangereux. J’arrêterais, je partirais aux États-Unis. Mais dans le quotidien on oublie, on veut continuer à travailler, on reste, on est sur une histoire de vie, on ne part pas.

Les gens paient parfois de leur vie pour dire tout haut ce qu’ils pensent…, avait-elle dit peu de temps avant son assassinat.

FRANCE CULTURE

BIBLIOGRPHIE

Voyage en enfer : Journal de Tchétchénie, trad. Galia Ackerman et Pierre Lorrain, Robert Laffont,
Tchétchénie, le déshonneur russe, trad. Galia Ackerman, préf. André Glucksmann, Buchet-Chastel, éditions GALLIMARD

La Russie selon Poutine, trad. Valérie Dariot, Buchet-Chastel, éditions GALLIMARDDouloureuse Russie : Journal d’une femme en colère, trad. Natalia Rutkevich, sous la dir. de Galia Ackerman, Buchet-Chastel, éditions GALLIMARD

Qu’ai-je fait ?, trad. Ada et Galia Ackerman, Buchet-Chastel,