Du 10 avril au 4 juillet 2022, le château de Fontainebleau propose à ses visiteurs une exposition qui évoque l’Art de la fête à la cour des Valois. C’est l’occasion de découvrir ou redécouvrir ce château emblématique de la Renaissance, que François Ier et son fils Henri II ont plus embelli qu’aucun autre…
Fontainebleau est l’une des plus anciennes demeures royales de France. Le château a accueilli les souverains de l’aube du Moyen Âge (1137) à la chute du Second Empire (1870). Situé à 60 kilomètres au sud-est de Paris, il doit son succès à sa situation au cœur de l’une des plus belles forêts du pays, l’une des plus giboyeuses aussi.
Ce monument, aussi vaste que Versailles, garde le souvenir de Philippe le Bel, qui y est né et mort, de François II, Henri III et Louis XIII qui y sont nés également. Plusieurs mariages royaux, dont celui de Louis XV et Marie Leczynska, furent célébrés dans la chapelle de la Trinité, une réalisation de l’époque d’Henri IV. Glissons sur le passage malvenu de Christine de Suède au château. Napoléon Ier aimait y résider et l’appréciait plus qu’aucun autre. « Voilà la vraie demeure des rois, la demeure des siècles », dit-il durant son exil à Sainte-Hélène. C’est là qu’il a abdiqué et c’est au pied du magnifique escalier en fer à cheval, un héritage de Louis XIII, qu’il fit solennellement ses adieux à un détachement de la Garde et baisa son drapeau le 20 avril 1814 ! Ce mythique « escalier des Adieux », aujourd’hui en cours de restauration, sera rendu au public le 21 mai 2022.
Régulièrement transformé et agrandi au fil des siècles, le château est avant tout redevable de sa beauté à François II et son fils Henri II.
La galerie François Ier et la salle de bal sont de pures merveilles de la Renaissance avec leurs décorations murales et leur plafond à caissons, tout autant que l’ancienne chambre de la duchesse d’Étampes, maîtresse de François Ier.
Elles sont l’œuvre d’artistes italiens invités par François Ier, tels Rosso Fiorentino et Francisco Primaticcio (Le Primatice). Ces artistes sont à l’origine d’un style original dérivé du maniérisme (de l’italien bella maniera). Les critiques du XIXe siècle le qualifieront de « première école de Fontainebleau ».
Les fêtes, un outil de pouvoir
La salle de bal est une innovation. Jusqu’au règne de François Ier, les cours européennes organisaient des fêtes dans des lieux éphémères et c’est de ces lieux que nous parle l’exposition.
Dès le siècle précédent, à la fin du Moyen Âge, les premiers Valois avaient pris goût à organiser de grandes fêtes. La chronique a retenu par exemple le tragique bal des Ardents, le 28 janvier 1393, qui avait entraîné le roi Charles VI dans la démence.
Ces fêtes participent à l’agrément de la cour et contribuent à renforcer l’autorité du souverain au détriment des grands féodaux, lesquels tendaient à devenir des courtisans.
À l’image du Camp du Drap d’Or (1520), destiné à éblouir le roi d’Angleterre Henri VIII, elles contribuent plus généralement au prestige de la dynastie tout comme les « entrées royales », une coutume également apparue à la fin du Moyen Âge : chaque souverain, après son sacre, visite les villes de son royaume et les municipalités, flattées de cet honneur, se font gloire de l’accueillir avec force festivités, aux frais des bourgeois, cela va de soi.
Des entrées royales, notons-le, il nous reste un témoignage exceptionnel : la fontaine des Innocents, conçue par Pierre Lescot et Jean Goujon à l’occasion de l’entrée d’Henri II à Paris en 1549.
Catherine de Médicis va, plus que tous les souverains précédents, cultiver l’art de la fête, non par frivolité – même si elle aime les fêtes – mais par calcul politique. Régente du royaume suite à la mort tragique de son mari Henri II en 1559, elle a en effet le souci de consolider l’autorité de ses garçons, dont trois, encore mineurs, vont se succéder sur le trône. Elle se préoccupe aussi de bien marier ses filles. Enfin et surtout, elle s’applique à restaurer la concorde au sein de la noblesse, divisée entre protestants et catholiques.
Elle y parviendra tant bien que mal pendant une dizaine d’années avant que les guerres de religion n’embrasent le royaume. L’une de ces fêtes, au Louvre en 1572, à l’occasion des noces d’Henri de Navarre et Marguerite de Valois, va d’ailleurs se conclure dans le sang par le massacre de la Saint-Barthélemy. Pour consolider malgré tout l’autorité du jeune roi Charles IX, sa mère organise un grand tour du royaume en 1574 en enchaînant les entrées royales.
L’Art de la fête
L’exposition de Fontainebleau présente cet art de la fête propre à la Renaissance, à travers une centaine d’œuvres et de documents d’exception.
Des dessins préparatoires d’artistes italiens, dont Fiorentino et Primatice, témoignent de la richesse des costumes de parade et de l’exubérance des architectures éphémères en bois et carton, arcs de triomphe, chars, etc. Pour l’exposition de Fontainebleau, les ateliers d’Eurodisney ont réalisé pour de vrai deux costumes de parade dessinés par Primatice ; on peut les voir dans la salle de bal du château (regrettons qu’ils ne soient pas portés par des mannequins vivants).
Il faut éblouir pour dominer ! Dans le grand retour à l’Antiquité qu’est la Renaissance, les archétypes gréco-romains chassent complètement les références religieuses. Tout est littérature, symbole et politique.
Les entrées de villes se veulent des triomphes romains à l’antique, avec, pour l’exotisme, des chars tirés par des chevaux maquillés en licornes, en éléphants ou rhinocéros !
Le clou de l’exposition est constitué par trois des huit tapisseries réalisées en 1575 à Bruxelles sur une commande de Catherine de Médicis.
Il s’agit de tapisseries d’exception, tissées de fil d’or et d’argent et en excellent état.
Elles forment un ensemble appelé Tenture des Fêtes des Valois et rappellent avec magnificence quelques-unes des fêtes organisées par la régente, comme les réjouissances du carnaval de Fontainebleau en 1564, les fêtes données pour les Espagnols à Bayonne lors du tour de France de la reine et son fils Charles IX l’année suivante, en 1565, les noces Valois-Navarre au Louvre en 1572, enfin la réception des ambassadeurs polonais aux Tuileries en 1573.
Sur toutes ces tapisseries, on reconnaît la reine-mère en habit noir de veuve, le roi et les membres encore vivants de la famille royale en 1575, les enfants Marguerite de Valois, le duc d’Alençon, le futur Henri III ainsi que les gendres Charles III de Lorraine et Henri de Navarre, futur Henri IV. Le décor, extravagant, évoque mascarades, fêtes nautiques, danses, etc.
L’exposition présente aussi les portraits de la famille royale, habituellement conservés au musée Condé, et des tableaux illustrant les fêtes royales. Ces fêtes témoignent de l’importance de la musique et de la danse, car c’est à la danse que l’on reconnaît les qualités d’un jeune noble ! Les principales danses sont la pavane, danse lente, danse de représentation, d’où nous vient le verbe se pavaner, et le branle, danse a deux temps, plus rythmée.