On parle dans la vie courante de “choses qui ont une raison d’être”, et on croit que c’est l’objet même de la philosophie que de remonter ainsi à la raison de l’être en général. Mais les choses ont-elles une raison d’être ultime ? La philosophie ne doit-elle pas résister à cette question ?
C’est la question du fondement : prouver quelque chose qui explique toutes les autres choses… Pourtant, il se peut aussi que la philosophie doive résister à cette question – comme l’ont dit beaucoup de grands philosophes et même, celui qui restera le grand philosophe de l’être au XXe siècle, Martin Heidegger, auteur en 1927 de Être et Temps. Pour Heidegger, l’être est une question et doit le rester, question de l’Être et aussi du néant, la possibilité qu’il n’y ait rien, qui nous donne le vertige et définit finalement un mode, une attitude existentielle. Et ce qui l’intéresse en somme, c’est l’être qui pose la question de l’être, qui résiste à la question du fondement. Il a même critiqué l’idée de raison, non seulement comme fondement, mais comme illusion des êtres humains qui, au lieu de questionner leur existence, cherchent, à travers leurs croyances dans la capacité à répondre, à dominer, à arraisonner l’être en général.
La raison deviendrait non pas la recherche noble d’un fondement, mais la conquête vile d’une technique, d’une maîtrise de la nature
Et on retrouve là, la critique de la raison humaine, la critique de la rationalité qui domine aujourd’hui certaines philosophies de l’écologie contre la technique humaine. Cette critique est profonde et peut-être, en effet, l’idée de raison d’être est trompeuse. Aujourd’hui, on la trouve même dans une loi sur l’économie. Certaines entreprises doivent définir leur “raison d’être”pour se justifier de leur existence.
Malgré tout, les raisons de vivre ne sont-elles pas pour nous quelque chose d’essentiel ? Peut-on vivre sans raison de vivre, sans sens intérieur ? “Ne pas au nom de la vie, perdre les raisons de vivre”…