LittératurePhilosophie

Matthieu Ricard

Une petite table blanche, dans un jardin en forêt. Une métaphore qui a surgi а plusieurs reprises afin d’expliquer la vie : le chemin а parcourir. Pour le rejoindre dans son lieu de retraite, en Dordogne, il faut prendre des routes savamment dissimulées. On se perd entre les tournants serrés, les maisons sans numéros, les arbres touffus. Une femme croisée : « Quand vous pensez être arrivée à destination, il faut continuer а monter. » On y arrive. Un centre tibétain d’études et de méditation dont les bâtiments sont dispersés en pleine nature. Matthieu Ricard, âgé de 75 ans, loge dans une petite cabane, à côté de la maison de Yahne Le Toumelin, qui a 98 ans. Le fils et la mère. Il restera lа tant qu’elle sera lа. Le moine bouddhiste retournera, après la mort de celle-ci, dans son ermitage himalayen.
Dans Carnets d’un moine errant. Mémoires, le fils de la peintre et nonne bouddhiste Yahne Le Toumelin et du philosophe et journaliste Jean-Franзois Revel (1924-2006) revient sur sa trajectoire hors norme. Lui qui fut chercheur en génétique à l’Institut Pasteur, а Paris, avant d’être le disciple du lama Kangyour Rinpoché, dans l’Himalaya. Son chemin l’a mené de la science а la spiritualité.
Révélation
Dans ses choix de vie radicaux, quelque chose demeure mystérieux. Il est né dans la bourgeoisie intellectuelle, il est un garçon studieux, il est amoureux de nature et de musique. Le jeune garçon observe un entourage familial constitué d’esprits brillants et de grands artistes. Il comprend qu’il est possible d’éblouir а l’extérieur et de dépérir à l’intйrieur. Matthieu Ricard entre comme chercheur en génétique à l’Institut Pasteur, où il travaille auprès de François Jacob. Le visionnage d’un documentaire d’Arnaud et de Denise Desjardins sur les maîtres tibétains ainsi que l’apparition du visage du lama tibétain Kangyour Rinpoché brouillent à jamais ses lignes de vie. Nous sommes en 1967. Il rencontre enfin ce qu’il cherchait : une cohérence et une cohésion entre l’être et le paraître. « Une enquête menée aux Etats-Unis posait alors deux questions. Qui admirez-vous le plus, le dalaï-lama ou Tom Cruise ? Les personnes interrogées répondaient massivement le dalaÏ-lama. Qui préfériez-vous être, le dalaï-lama ou Tom Cruise ? Les personnes interrogées répondaient tout aussi massivement Tom Cruise. Ils se disaient sans doute qu’une fois assurées la fortune et la célébrité de l’acteur il leur serait facile d’avoir un coeur immense comme le dalaï-lama. » Le raisonnement ne tient pas.
Les rencontres sont essentielles, mais elles ne sont pas tout. On vous montre le chemin et, après, c’est à vous de le parcourir.
Conviction
Matthieu Ricard poursuit son doctorat, multiplie les allers-retours entre la France et l’Inde cinq étés d’affilée, abandonne sa vie d’avant pour construire sa vie de maintenant. Le jeune homme a 26 ans. Il choisit de se consacrer entièrement а la vie spirituelle. « On marche dans une vallée, on passe un col а 4 000 mètres, on se retrouve dans l’immensité grandiose des hauts plateaux tibétains. Un nouveau chapitre s’ouvre. » Dans la trajectoire de Matthieu Ricard, il existe le moment et le modèle : « Les rencontres sont essentielles, mais elles ne sont pas tout. On vous montre le chemin et, après, c’est а vous de le parcourir. » Le moine bouddhiste en est certain : l’homme peut se transformer. Il a lui-même participé à des expériences scientifiques montrant comment la méditation au long cours peut produire des changements structurels dans le cerveau.

source : Le Point

https://www.lepoint.fr/religion/matthieu-ricard-un-chemin-de-vie-06-10-2021-2446585_3958.php?M_BT=3870664811912#xtor=EPR-6-[Newsletter-Matinale]-20211007-[Article_8]