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2021 : 700ème anniversaire de la mort de Dante

France Culture, dès à présent, vient de consacrer quatre émissions pour partir à la découverte du plus grand poète de la langue italienne : Dante Alighieri. Quatre émissions pour découvrir la vie fascinante de Dante ainsi qu’une œuvre immense, acmé de la culture médiévale.

Épisode 1 : La vraie vie de Dante
Avec Bruno Pinchard, doyen honoraire de la faculté de philosophie de l’université Jean-Moulin-Lyon III et président de la Société Dantesque de France, pour reconstituer avec nous la vie de Dante.
Épisode 2 : L’œuvre d’une vie
Avec Didier Ottaviani, maître de conférences à l’École Normale Supérieure de Lyon, auteur notamment de Dante. L’esprit pèlerin (Points/Seuil, 2016) et de La philosophie de la lumière chez Dante (Classiques Garnier, 2016).
Épisode 3 : La Divine Comédie
Avec Danièle Robert, écrivain ( Les Chants de l’aube de Lady Day, Le Foulard d’Orphée, aux éditions du Temps qu’il fait), critique et traductrice littéraire, membre de la Société Dantesque de France et qui a récemment traduit l’intégralité de La Divine Comédie aux éditions Actes Sud.
Épisode 4 : Les Lectures de Dante
Avec Jean-Pierre Ferrini, écrivain, auteur notamment de Lectures de Dante paru chez Herman en 2006 et Dante et Beckett au même éditeur, en 2003.

Episode 1 : La vraie vie de Dante

La Compagnie des oeuvres par Matthieu Garrigou-Lagrange
Le 12/10/2020

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Son œuvre est immense, révolutionnaire, fondatrice. Pourtant, Dante nous est resté très secret : aucun manuscrit de sa main, peu de documents renseignant sur son existence, peu de traces de son passage. C’est ce secret de la biographie que nous tentons de percer aujourd’hui.

Nous recevons pour cette première émission Bruno Pinchard, doyen honoraire de la faculté de philosophie de l’université Jean-Moulin-Lyon III et président de la Société Dantesque de France, pour reconstituer avec nous la vie de Dante.
Une vie dont nous savons très peu de choses encore aujourd’hui et qui continue de susciter recherches, spéculations et fantasmes.

On n’a aucun document, même pas une signature, même pas une note dans les marges d’un livre. Il y a des contrats qui nous restent, qui ont été faits par des gens de sa famille en son nom mais on n’a pas de contrat signé par lui. On travaille donc dans un système de réputations, d’échos. Et on doit tirer une très large part de ce qu’on sait des œuvres. (Bruno Pinchard)

Sa part d’énigme fait de Dante un personnage d’autant plus fascinant que le peu d’éléments dont nous disposons laissent entrevoir une existence active et même mouvementée, marquée par l’engagement politique, par la guerre et par la grande histoire d’amour avec Béatrice, dont la mort prématurée imprime une trace indélébile au cœur du poète.

Il y a effectivement une jeune femme qui porte ce nom, qui s’est mariée, qui est morte probablement en couches […]. Elle est un point d’attraction pour un nombre de sentiments, de connaissances, et de tensions politiques tellement inouïs que lui donner un visage… C’est comme si vous me demandiez qui est Isolde, qui est Brunehilde. C’est quelque chose d’inépuisable, c’est une sorte de dévoration du monde à partir du pouvoir des yeux, et d’ailleurs de la bouche, parce que Dante explique bien que le pouvoir d’une femme porte sur la connexion entre ses yeux et sa bouche. (Bruno Pinchard)

À l’instar d’Homère, Dante apparaît comme une figure largement mythifiée. Si son existence ne fait aucun doute, elle n’a cessé d’intriguer par le voile de mystère qui l’enveloppe, voile que tâche de lever pour nous Bruno Pinchard, en reportant notamment l’interrogation sur les écrits du poète. Quand l’histoire se dérobe, peut-on chercher des réponses du côté de l’œuvre elle-même ? Le mystère de Dante redouble ainsi le mystère de La Divine Comédie dont la dimension biographique a été longuement débattue.

C’est une œuvre immensément autobiographique. Ce n’est rien d’autre qu’une rétrospection de sa propre vie, construite jusqu’à l’infini, dans sa complexité […]. Ce sujet qui dit moi devient, peu à peu, graduellement, le monde, le monde qui essaie de se dire dans sa totalité. (Bruno Pinchard)

Dans L’Enfer, Dante traverse le monde des morts comme un vivant, mais sa vraie vie, il semble l’avoir traversée comme une ombre.

En fin d’émission vous pourrez retrouver la chronique de Philippe Roger, directeur de la revue Critique. Il nous parle du dernier numéro de Critique, consacré au philosophe Jacques Rancière.

MUSIQUE GÉNÉRIQUE (début) : Panama, de The Avener (Capitol)
MUSIQUE GÉNÉRIQUE (fin) : Nuit noire, de Chloé (Lumière noire)

Episode 2 : L’œuvre d’une vie

https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-oeuvres/dans-la-foret-divine-de-dante-alighieri-24-loeuvre-dune-vie

Dante ne vécut que 56 ans mais laissa derrière lui une production abondante. À côté de la Divine Comédie, son œuvre la plus connue, il composa d’autres œuvres poétiques, des textes de philosophie, de politique et même de linguistique, qui justifieraient à eux seuls la postérité de leur auteur.

Nous sommes en compagnie aujourd’hui de Didier Ottaviani, maître de conférences à l’École Normale Supérieure de Lyon, auteur notamment de Dante. L’esprit pèlerin (Points/Seuil, 2016) et de La philosophie de la lumière chez Dante (Classiques Garnier, 2016).

Il nous présente l’œuvre de Dante, une œuvre qui n’a rien perdu de son actualité malgré les sept siècles qui nous en séparent. Dante nous apparaît en maître de sagesse, pour qui l’humanité est à conquérir en chacun et la vie un pèlerinage. En effet, Dante aborde à travers ses écrits de grands sujets, d’une portée universelle, comme l’amour, la mort, la foi, la morale.

Avec la Vita Nova, Dante rédige un poème d’amour sensible, empruntant aux codes de l’amour courtois et illuminé par la figure idéalisée de Béatrice.
Il y a toujours Béatrice. De toute manière dans toutes les œuvres Béatrice est là. Ce n’est pas forcément la même personne, parce qu’il y a plein de Béatrice […]. Il y a Bice Portinari, ça c’est la vraie Béatrice. Mais il y a la Béatrice de la Vita nova. La Béatrice de la Vita Nova est déjà symbolique, puisque dans l’extrait qui a été lu elle est dite être amour. Donc elle est une figure qui peut être une figure de Jésus Christ, qui peut être une figure déjà semi théologique mais qui est aussi la figure de la dame courtoise, donc elle a déjà beaucoup d’aspects complètement différents, mais par la suite on va retrouver Béatrice qui sera une figure de la dame philosophie… (Didier Ottaviani)
Dante fait également œuvre de linguiste et de théoricien du langage dans le traité qu’il rédige en latin, le De Vulgaris Eloquentia (De l’éloquence vulgaire) qui intéressa beaucoup, entre autres, Roland Barthes. Enfin, à côté du grand traité politique qu’est le De Monarchia (De la Monarchie) c’est un Dante philosophe qui se fait jour dans le Convivio (Le Banquet) où il développe les leçons d’Aristote, notamment sur l’éthique.

De politique en éthique et de poésie en théorie du langage, Didier Ottaviani nous accompagne pour cette traversée de l’écriture.
Dante ne se lit pas seulement. Dante est un auteur qui se relit beaucoup. C’est-à-dire que, une fois qu’on a terminé, il faut recommencer au départ parce qu’à ce moment-là on découvre dans la première œuvre quelque chose qui finalement nous a été appris par la dernière œuvre […]. Tout est cyclique chez lui. C’est cette espèce d’éternel retour, mais pas du même. Il y a une thématique très classique à l’époque qui vient du pseudo-Denys de l’aréopage qui est la thématique d’une élévation spirituelle qui serait un peu comme une spirale, qu’on retrouve dans la spirale du Purgatoire… (Didier Ottaviani)

En fin d’émission Nathalie Iris, de la librairie Mots en marge à La Garenne-Colombes et contributrice à la revue Pages des libraires viendra nous présenter sa chronique, chronique consacrée à deux livres : Aria de Nazanine Hozard (Stock, 2020) et Une soif de livres et de liberté de Janet Skeslien Charles (Lattès, 2020).

MUSIQUE GÉNÉRIQUE (début) : Panama, de The Avener (Capitol)

Épisode 3 : La Divine Comédie

https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-oeuvres/dans-la-foret-divine-de-dante-alighieri-34-la-divine-comedie

C’est la Divine Comédie qui inspira à Balzac le titre de Comédie humaine qu’il donna à l’ensemble de son œuvre. Le romancier avait en effet bien perçu la portée immense du poème de Dante, œuvre monumentale, œuvre monde ou, pour reprendre le qualificatif que lui appliqua Boccace, œuvre “Divine”.

Pour cette émission nous sommes en compagnie de Danièle Robert, écrivain (Les Chants de l’aube de Lady Day, Le Foulard d’Orphée, aux éditions du Temps qu’il fait), critique et traductrice littéraire, membre de la Société Da/ntesque de France et qui a récemment traduit l’intégralité de La Divine Comédie aux éditions Actes Sud.

Je pense qu’il est très important qu’un écrivain de cette dimension, qu’un poète de cette dimension soit lu, encore lu et traduit, et traduit dans toutes les langues et à toutes les époques. (Danièle Robert)

Danièle Robert nous aide à cerner les particularités de ce poème immense qu’elle a entrepris de traduire, à commencer par l’importance qu’y prend l’amour, au centre des enjeux narratifs de la grande aventure qu’est la Comédie et au centre de la pensée philosophique de Dante.

[L’amour est] le sujet global, et qui englobe tous les autres sujets. Tous ramènent à l’amour dans la pensée de Dante. Mais quand on dit l’amour, c’est avec un grand A, c’est-à-dire que l’amour auquel il pense est ce qui permet de se transformer totalement, de se transfigurer, de se transhumaner… (Danièle Robert)

Concentrant les thématiques essentielles de l’œuvre de Dante, La Divine Comédie résonne avec les autres textes de l’écrivain, comme l’atteste l’important appareil critique fourni par Danièle Robert à sa traduction. Sise au centre de l’œuvre dantesque, La Divine Comédie est également située à un carrefour d’influences diverses. Influences latines, avec Virgile, Ovide ou les poètes élégiaques comme Tibulle et Catulle, mais aussi influences contemporaines de Dante comme celle de son grand ami, le poète Guido Cavalcanti.

Si les sources de l’inspiration dantesque remontent à un passé lointain avec les poètes antiques, son œuvre apparaît cependant très novatrice. Écrite en langue vulgaire à une époque où le latin domine encore les pratiques d’écriture courantes, touchant à des thématiques atemporelles qui n’ont pas cessé de résonner jusqu’à aujourd’hui, novatrice aussi dans sa facture poétique, La Divine Comédie est bien, pour reprendre une expression de Bruno Pinchard, un « laboratoire de l’avenir ».
Nos auditeurs pourront à la suite de cette émission écouter la chronique d’Alexis Brocas, écrivain et critique, directeur-adjoint au nouveau magazine Lire-Magazine littéraire. Il nous présente le contenu du dernier numéro du magazine avec au menu : la philosophe Barbara Cassin, l’écrivain Pascal Quignard, le dernier roman de Mathias Énard et la réédition de Philip K. Dick en Quarto, entre autres.

MUSIQUE GÉNÉRIQUE (début) : Panama, de The Avener (Capitol)
MUSIQUE GÉNÉRIQUE (fin) : Nuit noire, de Chloé (Lumière noire)

Épisode 4 : Les Lectures de Dante

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Dante s’est imposé aujourd’hui comme un jalon majeur de la littérature occidentale, notamment grâce à la Divine Comédie, dont la lecture s’est constamment renouvelée au cours des siècles. Retour sur quelques-unes des lectures les plus stimulantes de cette œuvre inépuisable.

Nous sommes en compagnie de Jean-Pierre Ferrini, écrivain, auteur notamment de Lectures de Dante paru chez Herman en 2006 et Dante et Beckett au même éditeur, en 2003.
Il revient sur les différentes lectures de Dante qui ont été faites au cours des siècles. L’occasion pour nous d’aborder l’histoire de la réception d’une œuvre dont la popularité a connu des hauts et des bas, entre la perte d’intérêt dont elle a été victime au XVIIème et au XVIIIème siècles, et sa redécouverte au XIXème siècle. À partir de cette période, nombreux sont ceux qui se sont réclamés ou inspirés de Dante, aussi bien en France que dans le reste de l’Europe : Schelling, Hegel et Goethe, en Allemagne ; Hugo, Nerval, Baudelaire et Balzac en France ; Shelley et William Blake en Angleterre. Le XXème siècle comptera aussi de grands lecteurs de Dante avec le poète américain Ezra Pound, mais aussi Beckett, Pasolini, Gramsci et en France Philippe Sollers, qui voue à La Divine Comédie un véritable culte.
À travers leurs regards, notre émission s’attache à démultiplier nos lectures de Dante.
La chronique de milieu d’émission nous donnera l’occasion d’évoquer plus précisément le livre d’Ossip Mendel’stam intitulé Entretien sur Dante avec Pierre Cattaneo, étudiant en philosophie et ancien stagiaire de la Compagnie des œuvres.
MUSIQUE GÉNÉRIQUE (début) : Panama, de The Avener (Capitol)
MUSIQUE GÉNÉRIQUE (fin) : Nuit noire, de Chloé (Lumière noire)

Crédit : France Culture – Dans la forêt divine de Dante Alighieri (4 épisodes)