Quel destin plus tragique que celui de Klaus Mann né pourtant sous les meilleurs auspices en 1906 même si être le fils de Thomas Mann – écrivain mondialement connu (Prix Nobel 1929) à été lourds à porter pour ce jeune homme qui s’était destiné lui aussi à la littérature.
Du jeune dandy des années 20 dans un Berlin en plein effervescence artistique, de ses frasques avec sa soeur Erika à l’homme résolument engagé qui avait tout compris avant tout le monde et qui, dès 1933, prit le chemin de l’exil. Un chemin semé d’obstacles qui se terminera tragiquement par son suicide à Cannes en 1949.
Ecrivain précoce, à 18 ans, il avait déjà publié une pièce de théâtre et un recueil de nouvelles. Il mène une vie insouciante avec sa soeur . En 1926, ils parcourent le monde et écrivent ensemble un récit édité l’année suivante. Puis Klaus écrit son premier roman, La danse pieuse, dans lequel il fait, ce qu’on appellerait aujourd’hui, son coming-out. Le livre fait un scandale tout autant que sa vie dissolue avec sa soeur. Cela ne l’empêchait pas de manifester très tôt, une étonnante clairvoyance face aux dangers représentait le nazisme et il ne cessa jamais de les dénoncer à travers, des articles, des essais et des conférences…
En mars 1933, date à laquelle les députés votèrent les plains pouvoirs d’Hittler, Erika et lui, menacés, décidèrent de quitter l’Allemagne pour continuer à dénoncer la bête immonde. Klaus vit entre Zurich, Amsterdam et Paris où il se lie avec Cocteau et Gide – à qui il consacra un essai – et surtout Crevel dont le suicide le bouleversa.
Engagé contre le nazisme, il fonde une revue antifasciste à laquelle collaborent Einstein, Brecht, Pasternak, Hemingway,Roth …
En 1934, il est déchu de sa nationalité. Il publiera deux de ses plus grands romans, Menphisto et le Volcan, dans lequel il projette beaucoup d’éléments biographiques.
mais la critique, à quelques rares exceptions, le prendra de haut, le comparant toujours à son père avec une ironie condescendante. Il en souffrira beaucoup et cela aggravera l’état dépressif de cet être hypersensible et mal dans sa peau.
Après une tournée de conférences aux États Unis, il subira sa première cure de désintoxication (il est accro à l’héroïne) à Budapest.
Il en suivra une seconde en 1938 à Zurich, avant de suivre la guerre d’Espagne avec Erika. Lz même année, il s’exile aux Etats-Unis et désormais, n’écrira plus qu’en anglais, y compris son journal intime.
L’exil, l’abandon de sa langue, la blessure d’être éloigné de ses racines et de sa culture, la haine qui l’anime contre Hitler et l’angoisse de voir la barbarie gagner du terrain, tout cela le mine même s’il reste combattif. Il s’engage dans l’armée américaine, après plusieurs tentatives dues à sa santé fragile et son état dépressif. Il est enfin mobilisé en 1942. Il obtiendra la nationalité américaine l’année suivante.
Contre la barbarie: 1942-1945 est un recueil d’articles , pour la plupart inédits, en français. On est saisis à leur lecture par le courage et la lucidité de l’auteur.
Il prédit que le fascisme n’abandonnera pas la partie avant d’avoir joué sa dernière carte, et sa dernière carte, c’est toujours le sang.
En 1939 “L’esprit de tolérance” commence ainsi : “Plus que tous les autres crimes commis par les nazis, c’est l’antisémitisme qui a contribué faire haïr et mépriser le régime hitlérien dans le monde entier …” L’intolérance est la oi suprême de la jungle. “Sans tolérance , la civilisation ne peut que mourir“.
Ces mots nous parlent encore aujourd’hui… Tout comme nous parle son engagement pour l’Europe.
Klaus Mann a été un précurseur. En 1936, il écrit “C’est ensemble que l’Allemagne et la France – devenues amies – constitueront le coeur d’une Europe libre et unie”.
Pour en savoir plus sur Klaus Mann, lisez le Tournant, histoire d’une vie (Babel)
Auteur de l’article Blandine de Caunes, écrivaine (Extrait de la revue “Vieux”)