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« Le monde né dans les années 1990 touche désormais à sa fin ». Entretien avec Gérard Araud 

Dans son dernier ouvrage Israël. Le piège de l’histoire, l’ambassadeur Gérard Araud analyse l’actuel conflit au prisme des évolutions des sociétés israéliennes et palestiniennes. Un conflit qui dit aussi beaucoup du changement de monde et de l’incapacité des Européens et des Américains à être les maitres de celui-ci. 

Ambassadeur de France, en poste notamment en Israël (2003-2006), à l’ONU (2009-2014) et à Washington (2014-2019), Gérard Araud est l’auteur de Israël. Le piège de l’histoire (Tallandier, 2024). 

Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé  

Pour fonder vos analyses, vous vous appuyez sur l’histoire et vous présentez les positions de chacun des camps, en essayant de comprendre pourquoi ils agissent de cette façon. Est-ce là une caractéristique de votre méthode d’analyse ? 

Lors de mes interventions médiatiques ou lors de mes prises de parole en tant qu’expert, je considère que mon rôle consiste à expliquer plutôt qu’à juger qui a raison ou tort. Mon objectif est de faire comprendre les raisons qui ont conduit à une situation donnée.

Ainsi, pour analyser comment nous en sommes arrivés là, l’histoire joue un rôle primordial. Il est bien plus pertinent de comprendre le raisonnement de figures telles que Poutine ou Netanyahou, plutôt que de les qualifier de « méchants ». Cela implique de reconstituer leur sphère cognitive, c’est-à-dire leur processus de réflexion, en tenant compte de divers éléments tels que l’histoire, la géographie et les personnalités en jeu.

À partir de cette analyse, je m’efforce de me mettre à la place de l’autre pour mieux appréhender les décisions prises. Ensuite, il est important de définir le champ du possible, c’est-à-dire ce qui est réalisable, plutôt que ce qui est souhaitable, car ces deux notions diffèrent considérablement.

Dans ce champ du possible, je laisse le lecteur ou le citoyen décider de ce qui est souhaitable. Cependant, j’espère que cette prise de décision se fera de manière réaliste, en tenant compte des contraintes et des enjeux réels.

Vous employez le terme de « réalisme ». Est-ce que vous vous revendiez comme réaliste ? 

Ce que je fais, c’est partir du monde réel et de ce qui est possible. J’ai toujours été convaincu qu’il est impossible d’imaginer une politique étrangère qui ne soit pas réaliste. C’est-à-dire qu’elle doit être en adéquation avec la réalité et les possibilités concrètes. Lorsque nous analysons une situation, il est essentiel de prendre en compte cette réalité. Ensuite, dans le domaine de la politique étrangère, il est possible de se positionner dans différentes directions en se fondant sur cette réalité.

CONFLITS – Revue de Géopolitique