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Maladie d’Alzheimer : des traitements entre espoirs et déboires

Malgré des annonces récurrentes, il n’existe pas de médicament pour soigner la maladie d’Alzheimer. Son origine demeure toujours incomprise et la myriade de symptômes qu’elle provoque rend cette maladie complexe. De nouveaux traitements marquent une réelle avancée, mais ils ne sont pas miraculeux.
Combien de fois dans votre vie avez-vous lu ou entendu que des chercheurs avaient fait la découverte d’une nouvelle molécule miracle contre cette maladie ? Les annonces ont été nombreuses. En mettant de côté les titres un peu racoleurs, s’il y a à chaque nouvelle étude un engouement, c’est parce qu’il n’y a pas de traitements contre la maladie d’Alzheimer et pour plusieurs raisons.
Une maladie très complexe
D’abord la cause de la maladie. Si la pathologie se caractérise bien par la présence anormale de plaques bêta amyloïde, toutes personnes présentant ces plaques ne développent pas forcément la maladie. Ensuite, une autre protéine — la protéine tau — est, elle aussi, présente en masse dans les neurones. Une des deux protéines est-elle à l’origine de la maladie ? Est-ce que l’une provoque l’apparition de l’autre ? Pour l’instant, le consensus scientifique ne permet pas de trancher, on sait seulement qu’elles ont toutes les deux un rôle clé, mais probablement beaucoup moins important que ce qu’on imaginait il y a 20 ans. Et cela montre que cette maladie est particulièrement complexe.
Explications avec Nicolas Villain est clinicien à Institut de la mémoire et de la Maladie d’Alzheimer et chercheur à l’Institut du Cerveau : “Plus on comprend cette maladie, notamment avec l’arrivée des biomarqueurs qui nous ont permis de nous rapprocher biologiquement de la réalité, ça nous a en même temps permis de comprendre la complexité de cette maladie, c’est-à-dire qu’au sein de cette entité qu’on qualifiait avant de maladie d’Alzheimer par exemple, j’ai un déclin cognitif progressif au long de ma vie et j’ai telle et telle protéine, il y a en réalité une myriade d’autres choses. (…) On s’est rendu compte que la maladie d’Alzheimer pure, avec juste les agrégats amyloïdes et tau, est plus l’exception que la règle. Tout ça fait que finalement, c’est une maladie complexe, à l’image du cancer ou du VIH, où cibler une molécule pour une seule cible biologique n’est probablement pas la solution.”
ertains médicaments disposent d’une autorisation de mise sur le marché, mais ils traitent seulement les symptômes. Il y en a 4, qui, depuis 2018, sont par ailleurs déremboursés en France. La Haute Autorité de santé ayant conclu que “l’intérêt clinique de ces produits était insuffisant pour justifier leur prise en charge.”
De nouveaux traitements récents basés sur des anticorps monoclonaux
À forte dose, ces anticorps ciblent les fameuses plaques bêta amyloïde pour les détruire. Et il y en a trois en lice : le premier, c’est l’aducanumab de Biogen. Une histoire qui pourrait faire l’objet d’une série américaine tellement il y a eu de rebondissements, mais pour la faire courte : résultats discutables, polémique, soupçons de collusion, mise sur le marché et échec commercial. Car ce traitement à 52 000 euros par an n’a finalement pas été remboursé par le Medicare, la sécu des Américains pour les plus de 65 ans, soit la cible de ce traitement.
Derrière lui se sont engouffrés deux concurrents : le donanemab de Lilly et le lecanemab de Biogen et Eisai. C’est lui dont vous avez beaucoup entendu parler en novembre l’année passée qui réduit de 30 % le déclin cognitif. 30 %, un tiers, un chiffre qui marque, mais en réalité les chiffres bruts sont moins spectaculaires.
Nicolas Villain : “C’est une échelle qui va de 0 à 18 points, zéro étant ‘je suis tout à fait normal’ et 18 ‘je suis aux stades terminaux de la démence’. Les patients étant au stade précoce de la maladie, ils avaient en moyenne 3, 2 points à l’entrée dans l’étude. Et à la fin des 18 mois, il y a un groupe qui a évolué d’1,66, c’est le groupe placebo. Il est passé de 3,2 à 4,86. (…) Et toute la question, comme vous le voyez, c’est qu’à la fin de l’étude, on est à 4,8 points, encore loin des 18, donc qu’est-ce qui va se passer au-delà de ces 18 mois ?”
Il nous manque encore des résultats sur le plus long terme pour pouvoir trancher. Mais ne nous trompons pas, ces nouveaux traitements représentent bien une avancée, c’est certain. Mais, ce qu’il faut retenir, c’est qu’ils ne sont pas miraculeux, qu’ils peuvent avoir de lourds effets secondaires, qu’ils ne sont pas simples à prendre et qu’ils se donnent en phase précoce de la maladie. Et c’est aussi un point essentiel : améliorer le diagnostic. Seulement, une personne sur deux est correctement diagnostiquée en France… mais là aussi, si vous entendez parler d’un outil miracle pour détecter précocement la maladie d’Alzheimer, restez sceptique !
Nicolas Villain n’a pas de lien d’intérêt financier personnel avec les industries pharmaceutiques citées, mais il est co-investigateur de certaines de leurs études.

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