Les Cosaques zaporogues sont représentés comme des guerriers à cheval idéalistes et amoureux de la liberté, prêts à sacrifier leur vie pour leur pays. Ils fondent l’Hetmanat en 1649, considéré comme le premier État ukrainien. Une histoire cosaque au cœur de l’identité nationale ukrainienne.
En 1920, Mykhajlo Serhijovyč Hruševs’kyj propose un Abrégé de l’histoire de l’Ukraine. Il y explique que “l’organisation des cosaques ukrainiens date de l’époque où l’Ukraine orientale eut à subir les dévastations des incursions des Tartares de la Crimée et des Turcs, à la fin du XV et au commencement du XVI siècle. L’appellation même cosaque est d’origine turque ou tartare. Elle désignait un errant, qui vit de guerre et de brigandage, ou tout aussi bien un homme libre sans métier défini, n’appartenant à aucun groupement social déterminé”. Figures d’un idéal de bravoure, de liberté, de fidélité et de patriotisme, qui sont les Cosaques zaporogues, les Cosaques d’Ukraine️ ?
Une fraternité guerrière par-delà les rapides du Dniepr
“Le Cosaque, à l’origine, est un homme libre, un cavalier qui vit d’après un mode de vie saisonnier où il participe à des campagnes militaires pour défendre les frontières, dans le cas des Cosaques zaporogues, de la Pologne-Lituanie”, explique l’historien Laurent Tatarenko. “Ils forment une communauté militaire et se mettent au service du roi de Pologne à partir de la fin du XVe siècle”.
Iryna Dmytrychyn précise qu’une stratification s’opère au sein de la communauté cosaque zaporogue, installée sur une île du Dniepr, au centre de l’Ukraine actuelle, avec d’un côté “une élite cosaque, l’armée véritable des Cosaques enregistrés”, et de l’autre “ceux qui restent combattre au gré de leurs alliances et de leurs intérêts.”
Entre les XVIe et XVIIe siècles, ces Cosaques zaporogues cherchent à se libérer de la tutelle polonaise et s’organisent politiquement pour fonder l’Hetmanat. Ce régime, bien que bref, est considéré par les historiennes et historiens comme le premier État ukrainien.
“L’Hetmanat est une organisation militaire. Le territoire est divisé en régiments. Les colonels gèrent à la fois l’armée et toute l’administration locale. En même temps, c’est un État avec une structure économique et une justice”, précise Laurent Tatarenko. ” Vis à vis de ses voisins, la Pologne-Lituanie, la Moscovie ou l’Empire ottoman, il est toujours considéré comme un État sous protectorat, en fonction des alliances qui arrivent au fur et à mesure des négociations.”
Naissance d’un mythe
Au XIXe siècle, afin de renforcer le sentiment d’identité nationale né sous l’Hetmanat, les écrivains et artistes romantiques s’emparent de la figure du cavalier cosaque pour en faire un idéal de bravoure, de fidélité et de patriotisme. Aujourd’hui encore, la cosaquerie est au cœur de l’identité nationale ukrainienne.
“Les voyageurs qui se rendent en Ukraine au XIXe siècle évoquent l’existence dans les maisons de portraits des glorieux ancêtres et des armes cosaques”, remarque Iryna Dmytrychyn. “Le souvenir de la cosaquerie mythifiée prend forme et se développe tout au long du siècle. Taras Sevcenko et le courant socialiste appuient le côté égalitaire plutôt que le côté nobiliaire. Cela devient un mythe fondateur pour les Ukrainiens.”
Nos invité·e·s
Iryna Dmytrychyn est maîtresse de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Elle est l’autrice de L’Ukraine vue par les écrivains ukrainiens. De la fin du XIXe siècle à la première moitié du XXe siècle (L’Harmattan, 2006).
Laurent Tatarenko est chargé de recherche au CNRS au sein du laboratoire Institut d’Histoire Moderne et Contemporaine (IHMC). Il est l’auteur de :
• Autocéphalies. L’exercice de l’indépendance dans les Églises slaves orientales (IXe-XXIe siècle) (co-dirigé avec Marie-Hélène Blanchet et Frédéric Gabriel, École Française de Rome, 2021)
• Une réforme orientale à l’âge baroque: Les Ruthènes de la grande-principauté de Lituanie et Rome au temps de l’Union de Brest (milieu du XVIe – milieu du XVIIe siècle) (École Française de Rome, 2021)