L’idée que la Grèce antique serait le berceau de notre civilisation européenne contemporaine est très répandue. Néanmoins, c’est surtout un monde perdu qu’il s’agit de replacer dans son contexte historique tout en interrogeant les anachronismes. Déconstruisons donc la Grèce idéalisée.
Que dit un universitaire à un autre universitaire en partance pour la Grèce afin de participer à un colloque sur les cités de la mer Égée et particulièrement sur l’île de Lesbos ? C’est gras… Pourquoi un étudiant, à la fin d’un cours, se précipite vers l’enseignant pour demander si c’est vrai que tous les Grecs étaient homosexuels et qu’ils étaient pédophiles ? Et pourquoi ne peut-on pas faire jouer Platon en deuxième division ? Voilà autant d’interrogations auxquelles est confronté l’helléniste, le spécialiste de la Grèce antique !
L’idéalisation de la Grèce antique
La Grèce antique a indéniablement une place de choix dans nos imaginaires et même inconsciemment dans nos conversations. “Un cheval de Troie vient infecter les données de notre ordinateur ; le Parti socialiste tombe de Charybde en Scylla ; Laurent Wauquiez (…) devient le talon d’Achille de la droite ; on ouvre la boîte de Pandore – tout en ignorant ce qu’elle contenait réellement. Qui ne connaît la discipline spartiate et n’a jamais entendu parler de propos laconiques sans avoir lu une seule ligne de Plutarque ?” note ainsi Patrice Brun dans son dernier ouvrage.
Patrice Brun relève par exemple que notre vocabulaire politique vient du grec. Dans le terme démocratie, démos renvoie au peuple. Quant à polis, il désigne la cité. “On a tendance à croire que la similitude des mots signifie aussi similitude des concepts. Or c’est source de graves malentendus dans notre société actuelle, qui commencent dès l’Antiquité.”
L’historien cite également Plutarque qui invente “sa” démocratie athénienne. Le penseur antique écrit des “pseudo-biographies d’hommes politiques et les qualifie de démocrate, comme avec Thésée. “Thésée est un personnage complètement mythique, mais au IVe siècle avant notre ère, il passait pour avoir été l’inventeur de la démocratie. On peut dire que les Grecs eux-mêmes ont rêvé la démocratie.” Pour Patrice Brun, “quand les révolutionnaires français parlent de la Grèce avec les termes de Plutarque, ils rêvent sur un rêve. Autant dire qu’à partir du XIXe siècle, la démocratie athénienne a pris des allures de fantasme dont les contours étaient imprécis, d’où la plasticité avec laquelle on a pu l’utiliser.”
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