SantéSociété

Des pistes pour aider les seniors à éviter la dépendance

Face au vieillissement de la population, tous les gouvernements promettent, sans le faire, une loi pour l’autonomie des personnes âgées. Emmanuel Macron s’était lui aussi engagé à faire une grande loi, qui a été reportée à plusieurs reprises, et reste en suspens alors que Matignon a encore réuni jeudi dernier les ministres concernées: Brigitte Bourguignon (Autonomie), Emmanuelle Wargon (Logement) et Jacqueline Gourault (Territoires). Tous se heurtent au même écueil: le coût d’une telle réforme, estimé à 10 milliards d’euros supplémentaires à moyen terme. Pour faire avancer le sujet, l’Institut Montaigne formule 12 recommandations et prône une nouvelle approche dans un rapport «Bien vieillir: faire mûrir nos ambitions», publié ce mercredi, et dont Le Figaro a eu la primeur.

Plutôt que de gérer la perte d’autonomie, il faut tout mettre en œuvre pour l’éviter. «On peut faire fondre l’iceberg de la dépendance. Pour cela notre système de santé doit passer d’une logique de prise en charge curative et hospitalo-centrée à une approche reposant sur la prévention et le maintien à domicile», indique Bénédicte Garbil, directrice générale France de l’entreprise américaine Edwards Lifesciences, et coprésidente du groupe de travail. «Les gériatres affirment qu’avec des mesures de prévention simples mais bien pensées, on peut réduire de moitié les situations d’entrée en dépendance», conforte Delphine Mallet, directrice Silver économie et santé du groupe La Poste, autre coprésidente.

Le bien vieillir, c’est un investissement, qui évite d’autres dépenses, alors que la perte d’autonomie est un sujet de financement compliqué qui agit comme un repoussoir.
Bénédicte Garbil, directrice générale France d’Edwards Lifesciences
Il serait ainsi possible d’avancer par une série de mesures, qui ne nécessitent pas de grande loi ni de gros moyens, et peuvent être inscrites dès l’automne dans le prochain budget de la Sécu, assurent-elles. «On a veillé à ne pas faire de propositions trop coûteuses. Le bien vieillir, c’est un investissement, qui évite d’autres dépenses, alors que la perte d’autonomie est un sujet de financement compliqué qui agit comme un repoussoir», indique Bénédicte Garbil. Cela passe par exemple par la mise en place d’une consultation longue systématique, chez le médecin généraliste, à des âges clés: départ en retraite, 65 ans, 70 ans. Cela permettrait de vérifier la vision, l’audition, la nutrition, de suivre les maladies chroniques, ou détecter de l’ostéoporose qui peut entraîner des chutes. Or les chutes à domicile sont responsables de 10.000 décès par an!
«Check-up» santé
«Il faudrait généraliser pour tous un check-up bien vieillir, avec une liste d’examens définis par la HAS, permettant de détecter tôt d’éventuelles fragilités et éviter l’entrée en dépendance», explique Delphine Mallet. Le rapport propose ainsi d’instaurer une règle d’or attribuant 1 euro de dépenses en faveur de la prévention de la perte d’autonomie pour 10 euros de dépenses curatives. Pour les plus modestes qui sont souvent éloignés des soins, «on peut envisager un bonus retraite s’ils suivent le parcours prévention, par exemple +5% sur le minimum vieillesse, soit un coût de 170 millions d’euros», indique Delphine Mallet.

L’autre difficulté majeure reste la valorisation de la contribution des seniors à la société. «Les seniors, c’est 60% des maires des petites communes, 40% des conseillers départementaux, 50% des présidents d’association», rappelle Delphine Mallet. Pour aller plus loin, l’Institut Montaigne propose d’étendre aux retraités le compte personnel de formation (CPF) dont bénéficient les actifs. «Quand un senior prend la direction d’une association, il a besoin de se former. Quand il est lui-même aidant de ses propres parents dépendants, cela aussi s’apprend», explique Bénédicte Garbil.
Autre piste: autoriser la retraite progressive, qui n’est aujourd’hui possible que pour les non-cadres. Cette mesure consensuelle, inscrite dans la réforme des retraites aujourd’hui ensablée, permettrait à de nombreux seniors de se maintenir en activité en réduisant le rythme. Ou encore créer un guichet unique pour adapter le domicile au vieillissement. Mais aussi labelliser les villes «amies des aînés», qui investissent sur l’aménagement des trottoirs, les transports, les animations, bancs publics, etc.

Enfin, l’Institut Montaigne insiste sur la nécessité de se doter d’indicateurs précis à atteindre à l’horizon 2030: améliorer l’espérance de vie en bonne santé d’un an par exemple, ou réduire de moitié les chutes à domicile. «Il est indispensable d’avoir une grille d’analyse de l’action publique basée sur des objectifs chiffrés si l’on veut avoir des priorisations et mettre en place des plans d’action», conclut Bénédicte Garbil.

le figaro