La flamme qui avait jailli à l’été 1940, lorsqu’il avait rejoint les rangs de la France libre, brûlait encore dans son regard, plein d’admiration à l’évocation du général de Gaulle, et embué de larmes au récit de ses retrouvailles avec la France en août 1944. Le dernier Compagnon de la Libération, Hubert Germain, s’est éteint aujourd’hui, après avoir vécu et incarné un siècle de liberté.
La guerre lui fut très tôt familière à travers la figure de son père, général issu des troupes coloniales, par les conversations animées qui divisaient les officiers invités à la table familiale, puis bientôt par la menace qui assombrissait le ciel de ses années adolescentes.
Inspiré par l’exemple paternel et poussé par l’évolution inquiétante de la situation européenne, le jeune Hubert Germain voulut embrasser la carrière des armes. Mais cette vocation s’épanouit par des voies plus aventureuses que prévues. Tandis qu’il se présentait au concours d’entrée de l’Ecole navale en juin 1940, il prit conscience qu’il se destinait par là-même à devenir officier de la marine pour un Etat qui avait baissé les armes. Se levant de sa table d’examen, il préféra alors rendre copie blanche plutôt que donner un blanc-seing à « la France qui s’était couchée », celle qui cédait à la résignation et au renoncement. Refusant l’arrêt des combats, annoncé le 17 juin par le maréchal Pétain, il lança à l’examinateur stupéfait : « Je pars faire la guerre ».
C’est ainsi, à 19 ans, qu’il embarqua pour l’Angleterre, et trouva à Londres un écho au cri de sa conscience : sur le papier qu’il signa à l’Olympia Hall lors de son engagement militaire, la France qu’il défendait avait désormais un nom, c’était la France libre, et le chef qu’il servait un visage, celui du général de Gaulle. Sa rébellion individuelle devenait une résistance collective.
Devenu élève officier de marine, il étudiait le jour et combattait les raids allemands la nuit. Mais bientôt, aux sirènes hurlantes et à la fraîcheur londonienne succédèrent le silence et le soleil du désert levantin : Hubert Germain s’envola pour le Moyen-Orient au printemps 1941, et prit part à la campagne de Syrie, puis à celle de Libye à l’été 1942.
Dans l’océan de poussière et de sable des dunes libyennes, au point d’eau nommé Bir Hakeim, le jeune aspirant forma avec ses compagnons déterminés de la 13e Demi-Brigade de Légion Etrangère un bloc impénétrable, qui résista aux attaques des armées motorisées italiennes et allemandes pendant quatorze jours. Quand vint l’heure de quitter la position, dans la nuit du 10 au 11 juin 1942, le bouclier d’airain se mua en une irréductible colonne, qui parvint à briser l’encerclement ennemi.Ouvrant la voie selon ses vœux, Hubert Germain vécut cette nuit d’apocalypse soutenu par sa rage de vivre, et fut pour ses hommes la haute silhouette rassurante et protectrice qu’ils suivirent à la lueur blafarde des fusées au milieu des lignes allemandes. Bir Hakeim fut pour la France libre une victoire sublime. Et Hubert Germain en était l’un des héros.
Traversant la Méditerranée, il combattit ensuite en Italie où il fut blessé, puis participa au débarquement de Provence. Lui dont l’être tout entier était dressé face à l’ennemi ne put s’empêcher alors de fléchir un instant, submergé par l’émotion de fouler de nouveau le sol de France après quatre années d’exil passé à se battre pour elle.
Démobilisé en 1946, Hubert Germain délaissa les théâtres de guerre pour l’arène politique, demeurant fidèle à son engagement auprès du général de Gaulle. Il troqua l’uniforme du soldat pour l’habit de maire de Saint-Chéron dans l’Essonne pendant plus de dix ans. Député et vice-président du groupe UDR à l’Assemblée nationale, ministre des PTT puis ministre chargé des relations avec le Parlement au sein du gouvernement de Pierre Messmer, Hubert Germain mit la même ardeur à reconstruire la France d’après-guerre et à refonder la République qu’il avait mise à libérer son pays.
Georges Pompidou disait de lui qu’il était « un roc », car jamais les coups de boutoir de l’histoire n’avaient pu ébranler ni même éroder sa force d’âme.