Pour Platon, qui fut son maître, la nature était trop hasardeuse pour être l’objet d’une science. C’est pourtant le défi que va relever Aristote, au IVe siècle avant notre ère. Ses travaux d’anatomie comparée sur les animaux constituent le premier traité de biologie de l’histoire des sciences.
Aristote fut à bonne école : celle de sa famille, celle de Platon, la sienne enfin. Lorsqu’il naît en 384 avant notre ère à Stagire (l’actuelle Stavros), petite cité du nord de la Grèce à quelques encablures du Mont Athos, son père est l’héritier d’une prestigieuse lignée de médecins. On ne sait si cet environnement explique l’intense curiosité dont il témoignera pour toutes les choses du vivant, mais on peut l’imaginer. A 17 ans, il rejoint Athènes qui est alors la capitale intellectuelle du monde méditerranéen et intègre l’Académie de Platon. Pendant deux décennies, il va tout y apprendre des savoirs et de la culture de son temps, depuis les théories des premiers philosophes grecs jusqu’à la dialectique socratique. Pendant quelques années, il devient le précepteur du fils du roi de Macédoine, le futur Alexandre le Grand. Puis il revient à Athènes en 335 et fonde sa propre école, le Lycée, du nom d’une gymnase où il réunissait ses élèves.
A sa mort en 332, son legs est considérable. Et fondateur. Car à côté des traités de logique, de métaphysique, d’éthique ou de rhétorique – classiques à son époque – Aristote a développé une réflexion totalement novatrice sur le monde qui l’entoure. Ainsi, ses seuls traités sur les animaux – leur histoire, leurs organes, leur reproduction – représentent un bon tiers de toute son œuvre connue. A quoi il faudrait ajouter ses travaux sur les astres, la météorologie et, semble-t-il, les plantes même si ce dernier travail ne nous est pas parvenu.
Percer les mystères de la nature, le défi d’Aristote
Aristote n’est évidemment pas le premier à vouloir percer les mystères de la nature. Les mythologies les plus anciennes, dont Homère fut le poète, avaient placé les hommes dans la main capricieuse des dieux. Puis les philosophes présocratiques (Héraclite, Empédocle, Démocrite…) s’étaient employés à rationnaliser cette pensée magique. Mais Aristote juge leur démarche inachevée. A ses yeux, ils n’ont pas su concevoir la multiplicité et l’articulation des causes qui expliquent la nature de chaque chose, en particulier des êtres vivants. Quant à la démarche socratique, il l’écarte en quelques lignes : “Du temps de Socrate, écrit-il, les recherches sur la nature cessèrent et c’est vers la vertu utile et la politique que se tournèrent ceux qui faisaient de la philosophie”. En clair, Socrate a pensé l’homme et Platon la cité. Lui veut penser la nature. Et la penser de façon scientifique. Impossible, soutenait Platon, tant les réalités naturelles sont mouvantes, hasardeuses et non démontrables, contrairement à la science des sciences, les mathématiques. https://www.franceculture.fr/emissions/ils-ont-pense-la-laicite/ils-ont-pense-la-nature-1-aristote-le-fondateur