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Etienne Klein : la crise sanitaire devrait être « une occasion historique pour faire davantage de pédagogie »

Qu’est-ce que la science nous dit du monde ? Dans « Décryptage« , Laurent Lemire reçoit le physicien et philosophe Etienne Klein. Passion pour le temps, passion pour les génies : il ne cesse de contribuer à vulgariser leur rapport à la connaissance du monde.

Il vient de publier chez Flammarion « La physique selon Etienne Klein » et dans la collection Champs Flammarion « Idée de génies ». 1200 pages durant lesquelles, Etienne Klein cherche à « expliquer de la façon la plus claire possible ce qui n’est pas simple ». Au fond; le physicien reconnaît avoir toujours eu les mêmes obsessions : « comment naissent les idées ? », explique-t-il, et « le rapport de causalité entre la psychologie des génies et leurs idées scientifiques ». « Est-ce que ce sont deux choses indépendantes ou est-ce que la vie et l’œuvre sont tissées l’une à l’autre de façon secrète ? », interroge Etienne Klein. Et rien n’arrête le philosophe scientifique : « je traverse les frontières… Quand je me pose une question, je parcours plusieurs champs disciplinaires, sans avoir l’impression de transgresser quoique ce soit ».
Ne pas ajouter d’artefacts et plus de confusion
Etienne Klein le constate : si la complexité est réelle, elle aussi souvent artificielle. « Nous sommes submergés d’infos et d’articles publiés chaque jour en physique », dit-il, « mon travail consiste à reconstruire dans le foisonnement une sorte d’architecture intellectuelle pour comprendre comment ça se passe ». Pour lui, ajouter des artefacts contribue à ajouter de la confusion. Il a donc décidé de publier des textes anciens. « Ce qui m’intéresse, c’est la différence entre les philosophes et les physiciens sur leur rapport au passé… Le physicien a besoin des théories, pas de relire les textes qui ont fait émerger ces théories, contrairement aux philosophes ».
« On confond trop souvent aujourd’hui connaissance et croyance »
Etienne Klein le répète : « il faut restituer nos connaissances d’aujourd’hui dans une trame historique qui montre comment elles sont devenues des connaissances ». Et de donner l’exemple de Blaise Pascal : « on trouve chez lui tout l’argumentaire de ce qui deviendra la philosophie de Karl Popper », souligne le physicien », « une philosophie expliquant la démarcation entre les sciences et les pseudo-sciences ». Il ajoute également que Blaise Pascal a, pour lui, donné la meilleure description du vide quantique qu’il connaisse, en écrivant que « le vide tient le milieu entre le néant et la matière ».
« La diffusion de la science est victime d’une crise de la patience, on n’a pas le temps d’expliquer »
Il y a un an, Etienne Klein dit avoir été interpellé par les réactions à la pandémie de Covid. « Chacun se réclamait expert d’une question dont personne ne connaissait la réponse », dit-il, ce qui à ses yeux a terni le « goût du vrai ». « A mesure que l’on a acquis en compétence collective », ajoute Etienne Klein, « notre arrogance a baissé, elle ne se retrouve désormais que dans les sites généralement complotistes ». « Je suis étonné que l’on utilise pas cette occasion historique pour faire davantage de pédagogie », poursuit le physicien, « un vaccin efficace à 95%, qu’est-ce que ça veut dire ? C’est subtil et on ne l’explique jamais ». Il appelle par exemple à faire « un petit cours d’exponentiel au journal de 20 heures ».