Entrer dans la douceur, telle est la proposition du journaliste et essayiste Jean-Claude Guillebaud dans son nouvel ouvrage (l’Iconoclaste). Comme un antidote à la folie du monde.
De l’aveu même de son auteur, ce nouvel essai est la suite naturelle – pour ne pas dire le complément ou le chapitre échappé – de son précédent ouvrage, Sauver la beauté du monde (l’Iconoclaste, 2019). C’est donc avec le plaisir d’une conversation réengagée que l’on se plonge dans ces pages écrites entre mars et septembre 2020, au coeur de la crise sanitaire mondiale liée au Covid-19.
Or, cet imprévu historique fait davantage résonner le propos du livre. Après une année 2020 durant laquelle nous aurons été plus que jamais bousculés par les cahots et les chaos du monde, notre propre sidération pourrait laisser place à une certaine résignation.
Souffle court, incrédule, qui ne s’est jamais laissé tenter par une forme de démission, tant il semble plus facile de se replier sur soi que de vouloir encore faire plier tous ceux qui imposent leurs idées, leurs fonctionnements, leur loi ? Jean-Claude Guillebaud dresse un diagnostic sans concession de ces folies confortablement installées aujourd’hui au coeur même de nos sociétés, de nos conversations et nos mentalités : esprit de compétition permanente, égoïsme triomphant, consentement aux inégalités et à la souffrance, paroles creuses ou expressions tellement usées qu’on en a perdu la saveur, cynisme satisfait de certaines élites politiques et médiatiques, nihilisme sourd…
Autant de maux que les lecteurs de La Vie ont l’habitude de voir épingler dans le Bloc-notes de notre hebdomadaire par le journaliste et essayiste chaque semaine. C’est donc en familiers que nous nous laissons guider par lui dans les pages d’écrivains et poètes qu’il affectionne, où il nous rappelle l’exemple de figures historiques, et même nous entraîne sur les chemins de Charente chers à son coeur, à la recherche d’un trésor perdu qui, seul, semble pouvoir réenchanter le monde.
« Voilà très longtemps que nous, Occidentaux, raisonnons à l’envers,écrit-il. Nous n’avons pas seulement oublié la douceur, nous l’avons congédiée. » Qu’est-ce, au fond, que la douceur ? De prime abord, le terme peut surprendre, et l’auteur s’en explique bien, jusqu’à justifier pourquoi il le préfère dans toute sa simplicité au mot de « tendresse » qu’affectionnait son ami le théologien Maurice Bellet. Car la douceur va au-delà du sentiment et de son expression ; elle irrigue tout l’être de celui qui l’accueille. Si elle est fragilité, elle n’est jamais faiblesse.
À travers l’exemple de deux Jeanne – Jeanne d’Arc et Joan Baez -, nous redécouvrons qu’elle demande plus de force que la violence, car elle est une force qui se contient elle-même. Jusqu’à – peut-être ? – se concentrer, comme on concentrerait une essence, dans l’expression même d’une forme extrême de délicatesse.
De page en page, Jean-Claude Guillebaud révèle à quel point cette idée peut nous renouveler, personnellement comme collectivement, en réveillant le meilleur de chacune et de chacun, ainsi que l’esprit d’entraide entre créatures qui est la seule vraie loi de la Création. Car tel est, sans doute, l’ultime secret que cet essai nous fait toucher – ou plutôt précautionneusement effleurer : avant toute chose, la douceur est relation.’
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