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Surinformation, trop d’écrans… Attention, déraison !

Gérald Bronner, est sociologue, membre de l’Académie des technologies, et enseignant à l’université Paris-Diderot. Spécialiste des croyances collectives et de la cognition humaine, il prône une sociologie « rationaliste » et  ouverte aux sciences cognitives, à l’anthropologie et aux neurosciences.
Après Danger sociologique (PUF, 2017), La Démocratie des crédules (PUF, 2013) ou encoreDéchéance de rationalité (Grasset, 2019), il ouvre cette nouvelle année avec Apocalypse cognitive (PUF). Il y décrit un « tournant civilisationnel » pour lequel le temps de cerveau disponible est un enjeu de taille. En effet, là où certaines pulsions répondaient à un besoin de survie au temps de nos ancêtres préhistoriques, elles sont aujourd’hui manipulées dans le contexte du marché de l’information et des contenus.
Ce qu’on appelle la connaissance, le rapport un peu direct à la vérité, un rapport argumenté, en pleine conscience, n’est qu’un moment rare de la vie mentale. (…) La grande part de notre rapport au monde est fondée sur de la crédulité. (Gérald Bronner)

L’Histoire galope sous nos yeux : elle a besoin de concepts pour la penser, un exercice particulièrement difficile. (…) C’est une période à la fois réjouissante intellectuellement et inquiétante du point de vue du citoyen que je suis. (Gérald Bronner)
Le temps de cerveau disponible, gagné avec le progrès qui réduit nos tâches et nos contraintes, aurait pu être utilisé pour amasser des connaissances et améliorer encore la condition de l’être humain. A la place, nous utilisons ce temps pour regarder des chatons sur Youtube ou des vidéos pornographiques sur internet, pour le dire sommairement.  

En outre, nous vivons sous l’égide de mythes et d’idéologies qui nous permettent de ne pas regarder ce que nous sommes, mais que nos traces numériques nous rappellent. Le mythe rousseauiste de la nature « bonne et généreuse » de l’homme qui serait pervertie par son environnement. Jadis, les religions imaginaient qu’une force malfaisante conduisait les humains aux péchés ; aujourd’hui, ce serait le capitalisme… Et, avec elle, l’idéologie néopopuliste, qui elle accepte le reflet que lui renvoie le miroir contemporain et cherche à donner une légitimité politique aux aspects les plus immédiats de notre cerveau, au prétexte du « bon sens » et de l’intuition. A l’image de Donald Trump qui, en pleine pandémie, dit qu’il « sent bien » l’hydroxychloroquine.  
Or à notre époque, face à la saturation d’informations, « le réel nous rattrape ». Il faut faire preuve d’esprit critique et regarder sa propre nature en face, se libérer des mythes et même penser contre soi-même. Par ce travail de lucidité et de rationalisme, nous répondrons au défi civilisationnel qui se pose aujourd’hui.

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