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La vieillesse, un levier d’innovation

Proposer des innovations adaptées passe par une plus grande attention portée aux seniors, insiste le sociologue Serge Guérin, spécialiste du vieillissement.

Connaissez-vous les seniors ? Les aimez-vous ? Sans répondre par l’affirmative à ces deux questions, impossible de développer une politique d’offre pertinente à destination des seniors, estime le sociologue Serge Guérin, expert des enjeux liés au vieillissement de la société : « Il faut les respecter, les questionner et bien les connaître pour trouver des réponses à leurs problématiques. Prendre en compte leurs modes de vie, sans trop évoquer leur âge. Nous ne pouvons pas continuer à penser le vieillissement sans considérer les premiers concernés. »

Sans compter qu’il n’existe pas un senior type, et que ceux d’aujourd’hui ne sont ni ceux d’hier, ni ceux de demain. Dans son dernier livre, Les Quincados (Calmann Lévy, 2019), l’auteur explique comment les quinquagénaires ont changé : de plus en plus de 45-60 ans « refusent de vivre leur avancée en âge comme leurs parents ». Idem pour les plus âgés. « S’adresser uniquement aux jeunes, en comptant sur la fidélité des anciens serait une erreur », prévient Serge Guérin.
“Les seniors ne sont pas réfractaires à l’innovation”
Notre société souffre d’une représentation négative et dévalorisante de la vieillesse. La jeunesse est synonyme d’avenir, la vieillesse du passé et du déclin. « Dans le discours dominant, l’âge reste un problème lié à la maladie et une charge financière. » La pandémie de Covid-19 change en partie la donne.
« D’un côté, elle renforce les liens intergénérationnels et met en lumière le rôle essentiel des seniors dans la vie familiale, mais de l’autre, elle génère un discours infantilisant et blessant pour les plus âgés, que certains voudraient enfermer sous prétexte qu’ils sont plus fragiles. Si l’âge est à prendre en compte, on ne peut pas définir une personne selon cet unique critère », analyse l’expert.
Peut-on faire du grand âge un levier d’innovation ? C’est l’objectif de la filière silver économie. Laquelle « ne doit pas être une fin en soi, mais un outil au service des anciens. Elle doit répondre à leurs désirs et leurs besoins. Les seniors ne sont pas réfractaires à l’innovation, si elle est accessible et porteuse de sens. »
Et tous les secteurs sont concernés, même les jouets, souvent achetés par les grand-parents.

BIO EXPRESS

1962 : né à Paris.
1995-98 : thèse en sciences humaines sur le magazine Notre Temps à l’université Sorbonne Nouvelle.
2000 : publication d’un premier livre sur le vieillissement, Le boom des seniors (Economica).
2000-2006 : professeur associé à l’université Lyon 2 en sciences de la communication.
2006-2015 : professeur de sociologie à la Paris School of Business.
Depuis 2015 : professeur de sociologie à l’Inseec.

Source : La Nouvelle République – Nathalie Picard