Histoire

Kiev, le berceau de l’Europe orientale

Kiev n’a pas d’âge puisque c’est une légende qui raconte les circonstances de sa création : trois frères auraient choisi une hauteur pour établir un village baptisé Kiev, d’après le prénom de l’aîné .

Mais selon les archéologues, il faut remonter à 3 000 av. J.-C. pour voir les premiers habitants, des tribus essentiellement indo-européennes comprenant les Scythes, s’installer dans la région. La ville elle-même aurait été fondée au VIe siècle de notre ère avant de s’étendre sur sept collines. Comme Rome !

Le site avait été choisi avec discernement puisqu’il borde le large fleuve Dniepr qui allait devenir une voie indispensable de communication sur la fabuleuse « route de l’ambre ». Elle reliait les régions de la Baltique, où l’on collectait cette résine fossile sécrétée il y a des millions d’années par des plantes, et Venise qui la transformait en bijoux et en assurait la vente.

C’est donc à Kiev que se croisaient marchands et guerriers en quête des richesses de la Scandinavie, de l’artisanat de Byzance ou des esclaves de tout le continent, et d’au-delà.

 

Au IXe siècle, les Varègues venus de Suède s’intéressent à leur tour à cette région agricole. Oleg le Sage, l’un de leurs chefs, déjà maître de Novgorod, s’empare en 882 de la ville par traîtrise pour en faire la capitale du premier État slave oriental : la Rus’. Mais Oleg ne compte pas s’arrêter là : en 907, il lance une attaque contre Constantinople, en vain. Il y gagne une belle compensation en or et un traité de commerce dont il saura tirer parti pour enrichir sa ville.

La nouvelle Sainte-Sophie
Kiev devient le centre politique, économique et culturel d’une région immense qui va de la Russie du nord actuelle aux portes de la Pologne.
La ville, convertie en 988 au christianisme de rite byzantin sous l’impulsion de Vladimir le Saint (dit « Le Beau Soleil »), devient un centre spirituel majeur.

Le fils de Vladimir, Iaroslav le Sage, lance en 1037 la construction de la cathédrale Sainte-Sophie, baptisée ainsi en l’honneur de la célèbre basilique de Constantinople.

Plus large que longue, surmontée de 13 coupoles symbolisant le Christ et ses disciples, elle renferme de précieuses mosaïques qui lui permettent de rivaliser avec sa grande sœur. Âgées pour les plus vieilles de 900 ans, ces mosaïques se déploient sur 260 m2 dans 180 nuances différentes.
Pillée par les Mongols en 1240, la cathédrale sera restaurée au XVIIe siècle dans un style baroque.

De l’or au-dessus des catacombes
La renommée religieuse de la ville prend de l’ampleur au XIe siècle grâce à un moine du mont Athos, en Grèce. De retour dans son pays natal, il se retire dans une grotte située dans la colline dominant le Dniepr et sera dès lors connu sous le nom de saint Antoine de Kiev. Il attire à lui de nombreux disciples qui s’établissent également dans des grottes.
Il s’ensuit la création de tout un réseau de galeries de plusieurs kilomètres, transformé par la suite en nécropole des saints orthodoxes. Sur le site baptisé Kievo-Pecherskaya Lauvra (« Laure des Catacombes de Kiev »), deux laures (monastères orthodoxes) sont bâties, comprenant une cathédrale et quatre églises qui seront ensuite remaniées en style baroque, aux dômes dorés.

Le lieu devient un centre culturel majeur où savants et écrivains s’installent pour travailler, donnant naissance entre autres au Récit des temps passés ou Chronique de Nestor, la plus ancienne chronique slave qui nous soit parvenue.
Au XVe siècle s’y multiplient les ateliers de peinture et de copies de manuscrits.
Lieu de résidence du primat de l’Église orthodoxe ukrainienne, le complexe comporte également aujourd’hui le musée des Trésors historiques, célèbre pour ses bijoux et objets scythes en or (IVe siècle), dont le fameux pectoral de Tovsta Mohyla. 

Un petit air de Paris
Ce trop grand royaume de Rus’, cependant, ne tarde pas à être déchiré par les guerres de succession. Le coup de grâce lui est donné en 1240, par l’invasion mongole. Massacres, incendies…  Kiev est ruinée. 
Les siècles suivants ne laissent que peu de repos à la ville qui, intégrée dans l’empire russe au XVIIe siècle, doit attendre le XVIIIe siècle pour s’embellir de nouveau sous l’impulsion de la tsarine Catherine II. C’est un architecte italien, Francesco Rastrelli, également à l’origine du Palais d’hiver de Saint-Pétersbourg, qui imagine en 1755 l’église Saint-André, chef-d’oeuvre de l’art rococo. À proximité se trouve une volée d’escaliers, la « descente Saint-André », petite rue pleine de brocanteurs et de galeries qui donne au quartier un air de Montmartre.Si l’ambiance rappelle celle de Paris ou de Vienne, c’est également à cause de la présence de grands et beaux immeubles bourgeois qui se sont construits après l’incendie de la ville, en 1811, et à la faveur de l’enrichissement qui accompagna l’essor du chemin de fer au XIXe siècle

Destructions, reconstructions
Avec le XXe siècle et la Première Guerre mondiale, Kiev rompt ses liens avec l’Europe. L’Ukraine échoue à gagner son indépendance pendant la guerre civile qui voit s’affronter les bolchéviques et leurs opposants de tous bords.
Le début de la période soviétique, après 1920, est marqué par la destruction de nombreux édifices religieux dont le monastère Saint-Michel-au-Dôme-d’Or, dynamité en 1936. Il sera toutefois reconstruit dans les années 1990, en guise de revanche sur les malheurs de l’époque soviétique.
En septembre 1941, la ville est occupée par les troupes allemandes qui vont y commettre de nouveaux ravages, à commencer par l’incendie des immeubles de la grande avenue Khreshchatyk, au cœur de la ville. Puis ce sera le pillage et l’explosion de la cathédrale de la Dormition, dans le monastère des Catacombes.
La population n’est pas épargnée. Les 29 et 30 septembre de la même année, près de 34 000 Juifs sont assassinés dans le ravin de Babi Yar, à la lisière de la ville, où s’élève aujourd’hui un mémorial.

Après la guerre, le pouvoir soviétique s’applique à reconstruire et moderniser la ville, redevenue capitale de république socialiste d’ukraine, partie intégrante l’union soviétique.
Le métro, avec ses 100 mètres de profondeur et ses stations au décor prestigieux, voit le jour en 1960.

Au coeur de la ville, « La Place » (Maïdan) est de nouveau réorganisée avant de devenir, en 1991, place de l’Indépendance.
Au milieu s’élève, en haut d’une colonne, la statue de la déesse-mère païenne Berehynia, érigée en 2001. Symbole de l’indépendance, elle fait écho à celle de la Mère-Patrie, construite en 1981 dans le pur style soviétique et qui, de ses 100 mètres de haut, continue à surveiller la ville et ses habitants… pour le meilleur et le pire.